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L'autre visage de la chirurgie esthétique

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La dimension psychologique est rarement abordée lorsqu’on évoque la chirurgie esthétique. Elle est pourtant essentielle. Au-delà du désir de rester belle et de séduire, vouloir transformer et embellir son corps est-il un acte anodin ? Peut-il cacher des désirs plus complexes ? Le psychologue ne devrait-il pas intervenir systématiquement auprès des patientes pour éviter les écueils ? Le point sur l’envers du bistouri.

Lifting du visage pour redessiner son ovale, liposuccion gommant une culotte de cheval jugée disgracieuse, implants mammaires galbant une poitrine affaissée… la chirurgie esthétique efface, estompe, embellit. Elle répare aussi, intervenant auprès de personnes mal formées de naissance ou dotées d’une disgrâce physique handicapante. Son panel d’interventions est large, permettant de répondre à une demande grandissante. Les techniques ne cessent de se perfectionner, offrant des résultats naturels et subtils. Finis donc les bouches exagérément gonflées ou les visages figés par un lifting raté qui efface expressions de vie et mimiques charmantes. Ses prouesses sont incontestables. D’ailleurs, les chiffres montrent que sa pratique s’est démocratisée, voire banalisée. Selon les estimations, le nombre d’interventions de chirurgie esthétique oscille entre 150 000 et 200 000 opérations par an. Pourtant, son recours soulève certaines interrogations : le passage à l’acte est-il si anodin que ça ? Vouloir transformer son corps peut-il cacher des désirs plus complexes, des angoisses, des troubles psychologiques refoulés qui émergeront après l’opération ? « Des résultats chirurgicaux excellents n’entraînent pas forcément l’amélioration psychologique attendue et peuvent même s’accompagner de sévères déceptions », écrit le Dr Françoise Millet-Bartoli, psychiatre, dans son dernier essai « La beauté sur mesure, psychologie et chirurgie esthétique » (Ed. Odile Jacob).
 

La vigilance du chirurgien

Face à une patiente qui consulte pour la première fois, le chirurgien plasticien doit lui poser les bonnes questions pour connaître ses réelles intentions et motivations. Il doit l’appréhender dans sa globalité, cerner le contexte dans lequel elle vit, savoir pourquoi elle consulte à cette période-ci de sa vie, ce qu’elle attend de lui et comment elle vit son défaut. « J’évalue toujours la réponse de mes patientes, note le Dr Pierre Nicolau, chirurgien plasticien. Si leur espérance est irréaliste, disproportionnée ou trop précise, je refuse d’opérer ». Quel genre d’espérances ? «  Si elles me montrent des photos en m’expliquant qu’elles veulent ressembler à tel cliché, avoir les mêmes seins ou le même visage. Ou encore si elles insistent devant mon refus en me demandant de refaire leurs seins alors que leur souhait initial portait sur le nez ». Méfiance également lorsque les demandes sont trop évasives et s’intriquent avec un moment précis de la vie de la patiente, du style : « j’attends que cette opération change ma vie, améliore mes relations de couple ou parce que je sens que mon mari s’éloigne ». « Certaines patientes ont besoin d’être désirée par leur mari ; elles pensent que l’opération esthétique leur permettra de le garder ou de le faire revenir. Or, ce genre de demande est désaccordé par rapport à la réalité », illustre Sandra Murco, psychologue clinicienne à la Clinique Elysée Montaigne. Le Dr Nicolau se souvient s’être fait piéger par une patiente qui lui paraissait sensée et réfléchie : « Après avoir réalisé son lifting, tout à fait réussi, cette femme n’a eu de cesse de me téléphoner toutes les semaines pendant des mois, sous prétexte que son lifting était loupé. Je suis rentré en contact avec son médecin de famille qui m’a appris qu’elle avait fait une dépression profonde parce que son mari l’avait quittée. J’ai réalisé qu’elle m’avait menti sur ses intentions et qu’elle avait voulu ce lifting pour tenter de le récupérer. Mais comme le lifting ne l’a pas fait revenir, elle a considéré l’opération comme loupée ». Le Dr Millet-Bartoli rappelle l’importance pour tout praticien de demander à sa patiente : « pourquoi maintenant ». « Cette question permet de déceler si sa décision est mûrement réfléchie, si la patiente est sereine, n’est pas dans la tourmente, ne vit pas une situation de crise psychologique. Sinon, il est préférable de retarder l’opération ». Laurine, 45 ans, envisageait une reconstruction de son ventre abîmé, marqué par des cicatrices résultant d’opérations multiples. Avant de se rétracter, consciente qu’elle n’était pas dans un état psychologique favorable. « La veille de l’opération, je pleurais. Je n’étais plus sûre de vouloir cette chirurgie abdominale. Mon mari s’y opposait. Il croyait que je le quitterais dès que j’aurai retrouvé un joli ventre. Heureusement, le chirurgien est venu me rendre visite. Je lui ai fait part de mes doutes et de ceux de mon époux. Compte tenu du contexte dans lequel se trouvait mon couple, il n’a pas voulu m’opérer. Je suis repartie, soulagée ».