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Le sommeil influence-t-il notre faim ?

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On savait que la sédentarité et une alimentation déséquilibrée participaient à la survenue du surpoids. Un nouveau facteur vient d’être pris en compte : le sommeil. Explications.

« Qui dort dîne ». Connaissez-vous vraiment le sens de cette expression ? Pour beaucoup, elle signifie que faire un dodo remplace un repas. Que nenni ! En réalité, il faut remonter au Moyen-âge pour rendre à cet adage sa véritable signification. A cette époque, la personne qui voulait avoir une chambre dans une auberge devait d’abord payer son dîner. Voilà, la vérité est rétablie. Il faut croire que sommeil et alimentation font toujours la paire puisqu’ils font l’objet d’une trentaine d’études menées dans sept pays. Ces études établissent un lien entre un sommeil de courte durée et un IMC (indice de masse corporelle) élevé, chez l’adulte et l’enfant. Ce qui n’est pas pour être rassurant. Parce que nous, Français, avons des heures de sommeil à rattraper. L’enquête réalisée par l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé le précise : 45 % des personnes interrogées, entre 25 et 45 ans, affirment ne pas dormir assez et 17 % accumulent une dette chronique de sommeil. Déjà, en 2006, nous dormions en moyenne entre 7h30 et 8 h sur 24 h et 25 %, 6 heures ou moins. Soit 2 heures de moins qu’au début du siècle. Environ 45 % des personnes interrogées considéraient manquer davantage de sommeil contre 38 % en 2004*. En cause ? Notre rythme de vie effréné.Nous devons jongler entre vies privée et professionnelle. Du coup, nos journées s’allongent et nos nuits s’étiolent. D’après le Ministère de la santé, « l’écart entre les besoins réels de sommeil et le temps qui lui est consacré a tendance à se creuser. En France, nous ne disposons pas suffisamment d’informations sur le sommeil, sur ses fonctions, ses bienfaits et les conditions à réunir pour satisfaire ce besoin ».
femme obèse
En attendant, un mauvais sommeil peut développer des complications de santé diverses, telles qu’une hypertension artérielle ou une augmentation du risque de diabète, par exemple. Le manque de sommeil augmenterait l’appétit La dernière donnée en date, et pas des moins intéressantes, établit un lien entre le manque de sommeil, l’augmentation de l’appétit et la prise de poids. Si sédentarité et alimentation anarchique sont des facteurs de prise de poids, voilà que le sommeil s’en mêle. C’est ce que semble confirmer l’étude présentée par Karine Spiegel à l’IFN (Institut français pour la nutrition). Cette chercheuse à l’Inserm note « que les personnes présentant un indice de masse corporel élevé ont un sommeil plus court ». Elle observe également que « l’augmentation rapide de la prévalence de l’obésité aux Etats-Unis s’est développée de façon parallèle à la diminution progressive du temps consacré au sommeil ». En cause ? Deux hormones auxquelles s’est intéressée Karine Spiegel : la ghréline, sécrétée par l’estomac, qui stimule l’appétit, et la leptine qui développe la satiété. Concrètement, l’étude a porté sur 12 volontaires en bonne santé et sans problèmes de poids. Constat : chez ceux dormant 4 heures par nuit pendant deux nuits consécutives, la leptine a diminué de 18 % et la ghréline a augmenté de 28 %. « Sur seulement deux jours d’étude, nous avons remarqué qu’un sommeil plus court entraînait une altération des taux des hormones, de la faim et de l’appétit. Par conséquent, si ce sommeil court se reproduisait pendant des mois, nous pensons qu’il pourrait effectivement y avoir un risque de prise de poids ». Prolonger le sommeil : une piste à suivre Une étude de 2005, de l’université Laval au Québec, avait confirmé qu’une nuit courte avait plus d’influence sur le poids que la malbouffe ou la sédentarité**. « De précédentes études ont bien établi un lien entre la durée du sommeil de courte durée et un IMC élevé. Si ce lien existe, en revanche, ces études ne précisent pas si c’est la durée courte du sommeil qui entraîne une augmentation du poids ou si c’est le poids élevé qui empêche de dormir », précise notre intervenante. Un fait est certain : le manque de sommeil allonge le temps disponible pour manger. Et les modifications hormonales sont associées à une augmentation de faim et d’appétit. « L’appétit est essentiellement augmenté pour les aliments riches en graisses et en sucre, complète la chercheuse. Il faudrait expliquer aux personnes qui ne dorment que 5-6 heures par nuit de prolonger leur durée de sommeil ». Pas si simple. Certaines personnes n’ont pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil pour se sentir bien, contrairement à d’autres dotées d’un sommeil plus long mais pas forcément réparateur. La qualité du sommeil n’est-elle pas plus importante que sa durée, finalement ? « Certes, certains n’ont besoin que de quelques heures pour récupérer. Pourtant, en comparant un groupe qui dormait moins de 6h30 par nuit et un autre groupe qui dormait entre 7h30 et 8h30, nous avons constaté des altérations au niveau du métabolisme du glucose chez le premier groupe ». Traduction : ces personnes peuvent voir augmenter le risque de devenir diabétiques. N’est-il pas un peu utopique de vouloir prolonger le sommeil des « petits » dormeurs, surtout lorsque les impératifs de la vie quotidienne entravent la réalisation de ce souhait ? Arnaud Cocaul, nutritionniste, délivre un conseil judicieux dans un chapitre consacré aux troubles du sommeil de son dernier livre « Questions de poids, mes réponses, ma méthodes » (Ed. Marabout) : « agir sur le stress peut s’avérer positif. Beaucoup de mauvais dormeurs évoquent la difficulté d’endormissement car ils ressassent leurs problèmes au lit. Avant de s’assoupir, il est important d’éviter tous les agents stressants, y compris la télévision et internet. Sachons vivre dans le calme. Prenons un bon livre avant d’éteindre ». Liens entre sommeil et prise de poids, sommeil et augmentation de l’IMC, sommeil long et de qualité et amélioration du contrôle de la glycémie dans le diabète de type 2… Toutes ces hypothèses méritent d’être confirmées par des études supplémentaires. « Nous sommes actuellement en préparation d’une étude de six mois, réalisée avec une équipe de diététiciens. L’objectif est de savoir si les personnes en surpoids qui s’engagent dans un programme de perte de poids peuvent avoir des résultats positifs si l’on étend leur temps de sommeil ». Une autre étude est en projet. Elle portera sur les adolescents, souvent privés de sommeil. « Nous allons observer si le fait d’augmenter leur période de sommeil peut calmer la faim des adolescents obèses et diminuer leur prise calorique ». Si confirmation il y a, « il serait pertinent, à titre préventif, pour les personnes susceptibles d’être confrontées à l’obésité, d’ajouter aux prescriptions de régime et d’exercice physique des conseils comportementaux relatifs au sommeil, constate Karine Spiegel.Avant de conclure : la notion de sommeil pourrait alors faire partie intégrante de l’interrogation du médecin et des bonnes nuits de sommeil pourraient être recommandées ».

Surpoids, obésité, sommeil et pathologies respiratoires

« L’obésité est fortement liée aux pathologies respiratoires au cours du sommeil » : voici la précision apportée par Patrick Lévy, professeur de physiologie, directeur médical du pôle Rééducation et Physiologie au CHU de Grenoble. Qui rajoute que « l’excès de poids est tout particulièrement un facteur de risque important du syndrome d’apnée obstructive du sommeil ».Un syndrome qui se manifeste par des arrêts répétés de la respiration pendant le sommeil, modifie sa qualité, entraîne une fatigue pendant la journée et, surtout, un risque de maladies cardiovasculaires.