728 x 90

Portez un autre regard sur l'obésité

img

Obésité et vie intime

Les personnes obèses ont parfois des difficultés à vivre sereinement une relation amoureuse et à accepter le regard de l’autre. « Les garçons me considéraient comme un simple objet sexuel, rajoute Céline. Je refusais mon pouvoir de séduction, j’étais étouffée par cette hypersensibilité causée par mon enfance et le regard cruel et inquisiteur des gens ». Bernard Waysfeld explique que ces « Fat Admirers », ces hommes qui aiment les grosses, recherchent parfois des mamans. « La perversion, selon ma propre définition, se manifeste lorsque quelqu’un s’intéresse et aime l’autre non pas dans sa totalité et pour ce qu’il est, mais pour une partie de lui, pour son enveloppe, comme son visage par exemple. Il ne s’agit alors pas d’une relation amoureuse adulte ». A l’inverse, il existe aussi des femmes qui choisissent des hommes obèses, même si ce schéma est moins courant. « Dans ce cas, il est possible que ces femmes cherchent à être rassurées, l’homme représentant l’image du père et la grosseur celle de l’image maternelle », rajoute le spécialiste.
Quant aux rapports intimes, il est impossible de dire si les personnes obèses sont inhibées dans leur sexualité. Mais, si inhibition il y a, l’obésité est un facteur dont il faut tenir compte, même s’il n’est pas le seul. « La femme érotise son corps et si elle est obèse, sa souffrance va être plus grande », note Bernard Waysfeld. Sur cette question de l’intimité de la personne obèse, le Dr Sylvain Mimoun, médecin gynécologue, rejoint ce point de vue : « l’image du corps est plus importante chez la femme que chez l’homme. Celle-ci a toujours ses kilos dans la tête, alors que pour avoir du plaisir dans sa sexualité, il faut lâcher prise. Ici, celui qui juge n’est pas le partenaire mais cette autre femme qui est en elle et qui la bloque. Une attitude thérapeutique peut alors l’aider à modifier l’image de son corps ». Du côté de l’homme, il est rare que celui-ci se préoccupe de son image à lui. Il se posera peut-être la question de savoir comment la femme le trouve nu alors que celle-ci se la posera continuellement. Comme l’obésité agit sur l’image de soi et représente une barrière supplémentaire, différents symptômes vont se manifester : absence de désir, de plaisir, vaginisme ou douleurs pendant le rapport sexuel pour la femme, éjaculation précoce ou troubles de l’érection pour l’homme. « Ces symptômes sont souvent liés à une non-acceptation du corps intime, précise Sylvain Mimoun. Mais quand une personne vient me voir pour un symptôme et si elle est obèse, peu importe qu’elle le soit. Je m’occupe de savoir de quoi elle se plaint. Je traite le trouble sexuel. Il n’est pas rare, d’ailleurs, lorsqu’on arrive à régler la question sexuelle que cela traite l’obésité ».
Au fil de son histoire, Céline explique qu’elle a mal vécu ses atouts féminins. A 24 ans, elle rencontre pourtant quelqu’un. Celui qui est avec elle depuis maintenant dix ans l’a choisie pour ce qu’elle est vraiment. « Au début, je me suis demandée s’il m’avait bien regardée. Lui était grand et svelte et je ne comprenais pas pourquoi il s’intéressait à moi. J’étais aussi en position de protection totale. Mais il m’a rassurée et je me suis dit qu’on pouvait essayer d’être ensemble, même si j’ai toujours mis des barrières, qui n’ont finalement jamais lâchées définitivement, notamment par rapport à ma sexualité. Au début, je faisais l’amour dans le noir, je me couvrais sous les pyjamas. Je ne m’aimais pas et tout ce qui débordait de mon corps représentait cette souffrance que je portais. Mon cerveau et mon enveloppe physique étaient dissociés. Avec la confiance, je me suis un peu détendue mais jamais totalement ». Malgré cette belle histoire, Céline prend encore 25 kilos pour atteindre, à 26 ans, les 146 kilos. La famille de son ami vit mal son obésité et le lui fait remarquer. « Mon compagnon a fini par me dire qu’il fallait que je maigrisse car ça ne pouvait pas continuer de cette façon, rajoute-t-elle. Cela a été très difficile à vivre. J’ai eu de grands moments de solitude. Je n’étais pas heureuse et j’ai eu conscience très vite que mon obésité avait un impact sur ma santé - dans ma famille, nous sommes sujets aux problèmes cardiaques. J’ai donc décidé de me prendre en main, de ne plus subir la vie mais de la vivre pleinement. J’ai pris rendez-vous avec un thérapeute qui m’a suivie pendant deux ans et demi. Les premiers kilos sont partis avec les premières séances. Puis, j’ai décidé de me faire poser un anneau gastrique pour la simple raison que mes genoux me lâchaient lorsque je montais ou descendais les escaliers. Y avait-il d’autres alternatives pour perdre tout ce poids alors que j’avais tout tenté ? Il faut aussi savoir que tout seul, on ne peut pas s’en sortir. Lorsque l’on rentre dans une obésité morbide, la machine est en route. Il faut absolument enrayer le processus ». Depuis cinq ans que Céline porte l’anneau, elle a perdu 60 kilos et subi trois opérations réparatrices. Elle dit être fière de ses cicatrices qui lui ont permis de vivre et se sentir bien dans sa peau. Le regard des gens a changé, et leur respect est palpable. « J’ai l’impression d’avoir été une chenille qui, au fur et à mesure, s’est transformée en papillon. J’ai appris à me découvrir, à me regarder, à m’aimer, à appréhender les autres, à prendre du recul ». Céline se retrouve enfin, même si elle avoue ne pas être totalement libérée dans sa sexualité et qu’un travail reste à faire sur son image. « Je ne fais plus l’amour dans le noir mais j’émets encore des réserves car je vois toujours cette peau en trop sur mon corps. Il faut que je l’accepte. Je ne cherche pas la perfection mais je ne veux plus vivre avec cette peur de redevenir obèse ». Céline voudrait perdre encore une dizaine de kilos, quoique la pensée d’avoir un jour un enfant semble adoucir cet objectif, lui laissant deviner qu’il pourrait être la clé de sa stabilisation.