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Portez un autre regard sur l'obésité

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Entretien avec Anne-Sophie Joly, Présidente du CNAO (Collectif National des Associations d'Obèses)

Savoir Maigrir : Quel est exactement le rôle du CNAO ?
Anne-Sophie Joly : Le CNAO a été créé en mars 2003 et regroupe une trentaine d’associations France et DOM-TOM. Ce collectif défend les intérêts de ces associations et de tous les obèses de France. Quand une association a un problème, elle peut avoir recours au CNAO. Notre priorité, c’est la bonne prise en charge de la personne à tous les niveaux. Nous sommes beaucoup sollicités par le grand public qui a aussi très peur de parler de lui-même. Nous adressons les personnes aux associations qui se trouvent le plus près de leur domicile et nous sommes toujours présents pour répondre à leurs questions afin de les conseiller au mieux.
 
S.M. : Que faire pour que les choses avancent ?
A-S.J. : Il faut absolument que les gens soient informés et qu’ils comprennent que leur état de santé est aussi lié à leur apport alimentaire. Plus ils mangeront mal, plus ils risqueront de développer des problèmes de santé, des cancers, du cholestérol, des maladies cardio-vasculaires. A l’heure actuelle, la nourriture industrialisée est trop salée, trop sucrée, trop grasse et contient des additifs. L’agro-alimentaire explose notamment parce que les gens sont de plus en plus pressés, ils ont de moins en moins le temps de cuisiner, ils sautent sur des produits tout prêts, à réchauffer au micro-ondes. Ils se dirigent vers le côté pratique.
 
S.M. : Concrètement, quelle est votre action sur le terrain ?
A-S.J. : Nous avons ouvert le dialogue avec le Ministère de la Santé en lui expliquant que s’il ne réglait pas les problèmes d’obésité, d’autres problèmes viendraient s’ajouter. Car les gens obèses coûtent chers à la société, ils sont souvent en arrêt de maladie, prennent des médicaments, et certains mourront avant l’heure, ce qui signifie qu’ils ne paieront pas de retraite. Nous avons eu un rendez-vous avec l’un des conseillers techniques de Philippe Douste-Blazy, lorsqu’il était Ministre de la Santé. Nous lui avons clairement exposé le problème de l’obésité et quelles étaient les mesures à prendre. Le Ministère est donc informé. Plus concrètement, nous lui avons demandé de passer des projets de loi sur l’agro-alimentaire, d’expliquer dans un premier temps au grand public ce que sont les glucides, les lipides et les protides, de privilégier les fruits et légumes en les mettant à des prix raisonnables. Il faut aussi former les médecins généralistes à la pathologie de l’obésité et les informer car ce sont les premiers à voir les personnes obèses en consultation. Il faut que l’Etat prenne des directives et mette en place une information très large sur ce qu’est la nutrition et comment prévenir les problèmes d’obésité.
 
S.M. : L’initiative du PNNS (Programme National Nutrition Santé) va dans ce sens…
A-S.J. : Le PNNS est très bien mais il ne représente qu’une petite pastille. Il faut que chacun prenne ses responsabilités et activer les initiatives. Mais il est vrai que nous avons toujours envie que les choses aillent beaucoup plus vite.
 
S.M. : Pensez-vous que l’obésité soit aussi un problème de classe sociale ?
A-S.J. : Plus on est défavorisé, plus on a des problèmes de poids. C’est un cercle vicieux. On va alors acheter des pommes de terre, des pâtes, des aliments à moins de un euro. Les gens mangent mal mais ils sont aussi rejetés de la société, ils ne s’en sortent pas. Il faut communiquer, mais aussi que l’agro-alimentaire baisse ses prix sur les légumes, sur les produits de première nécessité afin que tout le monde en profite.
 
S.M. : Une réforme des médecins est-elle nécessaire pour prévenir l’obésité ?
A-S.J. : L’inscription de la mouture à la nomenclature sur l’obésité n’est toujours pas réalisée au Ministère de la Santé. Cela fait quatre ans que nous nous battons pour cette inscription. Comme s’il n’était pas noble de parler d’obésité.
 
S.M. : Vous avez d’ailleurs lancé une campagne de publicité sur l’obésité pour informer sur ses dangers…
A-S.J. : Nous communiquerons partout où nous pourrons. Notre publicité représente une personne obèse en position fœtale car il faut savoir que la personne obèse est recroquevillée sur elle-même. Même si elle est grosse, elle a envie de disparaître, voudrait se rendre invisible, faire en sorte que les gens ne la regardent plus ainsi, mais elle ne le peut même pas. Et puis rappelons que cette maladie tue 55 000 personnes par an. Lors de la canicule, des obèses sont morts mais personne n’en n’a parlé.
 
S.M. : Les enfants sont de plus en plus touchés par l’obésité. Croyez-vous qu’il existe une forme dedéresponsabilisation des parents ?
A-S.J : Oui et non. Parfois, il est plus simple pour les parents de donner un paquet de chips à son enfant en le mettant devant la télé pour qu’ils aient un peu de temps pour eux. Il y a également beaucoup d’enfants qui arrivent à l’école sans avoir pris de petit déjeuner, par exemple. Mais d’un autre côté, une femme qui a trois enfants, qui les élève seule avec un salaire de misère ne peut pas se permettre d’acheter des fruits et légumes. Le problème est que tout est lié : le chômage, la publicité, le marketing, l’agro-alimentaire…
 
S.M. : Vous êtes pessimiste ?
A-S.J. : Oui, pour la simple raison que le problème des générations se pose. Sur une, voire deux générations, ne serons-nous pas comme les Américains ? D’ici cinq ans, le nombre d’obèses de Paris Ile de France sera multiplié par 2,5.
 
S.M. : Votre message ?
A-S.J : Aidez-nous à enrayer l’obésité. Il n’y a pas de petites mains. C’est la volonté de tout le monde qui fera avancer les choses en apportant sa pierre à l’édifice.