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Portez un autre regard sur l'obésité

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Les projets, les perspectives d’avenir

Cinq millions de Français touchés par l’obésité, 14 millions en surpoids : ces chiffres sont alarmants mais ils font partie d’une réalité. Aux Etats-Unis, ce sont 60 millions de personnes qui sont touchées. La France prendrait-elle le chemin du grand continent ? Lorsqu’on sait que les chiffres augmentent de 5 % tous les ans, on est en droit de se poser cette question. L’obésité est un problème qui nous concerne tous et qui devient, aussi, une affaire d’Etat. Depuis quelque temps, il semblerait que les choses bougent. Notons la mise en place du PNNS (Programme National Nutrition Santé) en 2001 par le gouvernement qui incite notre population à manger mieux et à bouger plus, le programme EPODE (Ensemble, Prévenons l’Obésité des Enfants), une initiative associative mise en place en janvier 2004 et dont l’objectif est d’enrayer la progression de l’obésité chez les enfants de 5 à 12 ans par un plan d’intervention sur une période de 5 ans, et la dernière action en date : la proposition de loi du Député PS Jean-Marie Le Guen déposée le 23 mars dernier, et qui vise à lutter contre l’épidémie d’obésité. « L’obésité est un phénomène acquis dont l’impact sanitaire va être grand, a précisé Jean-Marie Le Guen lors d’une conférence de presse organisée en juin dernier par l’agence de presse Edelman. En 2020, la France pourrait compter plus de 20 % d’obèses. L’espérance de vie sera de 13 ans inférieure pour ces personnes et celle de notre société régressera ». Dans les grandes lignes, le Député souhaite la mise en place d’une politique qui responsabilisera les professionnels du monde agro-alimentaire et de la distribution quant à la qualité des produits et l’information au grand public. La proposition prévoit également de donner une place plus importante à la classification des fruits et légumes qui, notons-le, ne représentent que 1 % de la filière agro-alimentaire, valorisera les messages d’éducation nutritionnelle auprès de tous, rappellera l’importance de l’activité physique, de la formation des professionnels de santé sur les problèmes d’obésité et de la lutte contre la discrimination dont sont victimes les obèses. Sans oublier la création d’un Haut Comité de lutte contre l’obésité ainsi qu’un Observatoire de l’épidémie d’obésité.
 « Il faut bousculer l’ordre naturel, rentrer dans la vie réelle, être présent dans les supermarchés, à la télévision », note Jean-Marie Le Guen. Oui, mais voilà, bien que tout le monde soit d’accord pour reconnaître que cette proposition de loi parte d’une bonne intention, il semblerait qu’elle soit discutée. Le GROS (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids), association présente depuis 1998 et réunissant les professionnels de santé (médecins, psychologues, diététiciens…) qui sont confrontés à des personnes présentant des problèmes de poids ou des troubles du comportement alimentaire, a interpellé le Député en lui adressant une lettre ouverte. En effet, le GROS met l’accent sur certains points du projet de loi. Il note, notamment, que « le message simple manger mieux, bouger plusque le Député entend promouvoir au niveau national n’est rien d’autre que le discours tenu par les médecins depuis 50 ans à leurs patients, sans aucun résultat. Il est peu probable que ce qui a échoué à l’échelle des individus réussisse à celle des nations ».
De même, faire une distinction entre les aliments recommandés et ceux déconseillés ne peut, selon le GROS, qu’augmenter l’anxiété du consommateur. Au lieu de donner du plaisir, manger devient un acte dangereux pour la santé et le poids. Et cette politique risque d’aboutir à une augmentation des troubles du comportement alimentaire et de l’obésité. Enfin, l’association insiste sur la nécessité de prendre des mesures qui permettront la réintégration des obèses dans leurs droits et leur dignité. Point positif : elle approuve la mise en place d’un Observatoire de l’obésité prévue par le projet de loi du Député. En soulignant toutefois qu’il faudra que celui-ci soit composé de personnes compétentes, tels les médecins, psychologues, sociologues…

Quant à la façon dont les médecins appréhendent le problème de l’obésité, tout le monde est d’accord : il est nécessaire qu’ils soient formés afin qu’ils prodiguent des conseils avisés et qu’il existe une véritable prise en charge. « Il y a des médecins qui donnent encore des consultations de 10 minutes à 50 euros et prodiguent une simple feuille de régime en laissant la personne se débrouiller. Et d’autres qui disent aux personnes obèses qu’il faut tout simplement arrêter de manger. Ce genre de comportement n’est pas acceptable », tonne Frédéric Delplanche, fondateur de SOS Obèses. Et à Sylvie Benkemoun, chargée des questions de santé à l’association Allegro Fortissimo, d’ajouter qu’il y a effectivement un manque de formation à l’obésité telle qu’elle est connue actuellement. « Les acteurs de santé réagissent sur d’anciens schémas. Ils ont leurs impressions sur les gros, pensent que les obèses manquent de volonté. Et dire à une personne en surpoids de perdre 30 kilos est irréaliste. Certains gynécologues obstétriciens préconisent par exemple à des femmes de ne pas prendre de poids pendant leur grossesse, alors que les études actuelles montrent qu’une femme qui se restreint justement pendant sa grossesse développe chez son fœtus une résistance à l’amaigrissement ». Pour Sylvie Benkemoun, le discours ambiant est un discours épidémiologique de panique. « Il faut sortir de cet état. L’obésité est une maladie chronique et c’est la seule à être stigmatisée ainsi. Les médecins, eux, voient les complications de l’obésité et réagissent par rapport aux chiffres sans se dire qu’être un peu plus gros que la moyenne peut être un état normal. Actuellement, il y a un déséquilibre entre la vision globale de l’obésité et la vision individuelle ».
Et les régimes dans tout ça ? Ont-ils eux aussi une part de responsabilité dans l’augmentation de l’obésité ? « Il y a un facteur dont on ne tient pas compte et qui est celui de l’épidémie des régimes. La médicalisation du surpoids a engendré une obésité de plus en plus grande. Vouloir faire maigrir des gros aggrave le problème. Car plus on fait des régimes, plus on devient gros. Il est reconnu que les régimes font grossir et pourtant 90 % des médecins les prescrivent encore. A Allegro Fortissimo, nous pensons que deux des grands responsables de l’obésité sont la médecine et les médias ». Selon notre interlocutrice, il faut dénoncer les méfaits des régimes anarchiques. Cette peur inculquée fait que tout le monde se croit potentiellement obèse et devient incapable d’accepter un poids différent des courbes. Il faut prendre conscience que tout le monde ne peut pas faire du 38.